Le vent de la solidarité souffle aussi très fort

Publié le par robert

Dans un quartier d'Arès, en Gironde, les riverains privés d'électricité et de chauffage se serrent les coudes en attendant des jours meilleurs
Olivier et Emmanuelle Zanit préparent dans leur garage du café pour leur voisine Martine.( F. COTTEREAU)
Olivier et Emmanuelle Zanit préparent dans leur garage du café pour leur voisine Martine.( F. COTTEREAU)

La commune porte un nom de dieu belliqueux. Et Arès s'est cru, en ce samedi, revenu en temps de guerre. Le bassin d'Arcachon n'a pas échappé au désastre. Le vent, tel une boule de bowling lancée dans le couloir côtier, a réussi un strike assourdissant et macabre. Le spectacle, ici aussi, est à la désolation. En ce lundi de reprise, le coeur n'y est pas. Place de l'Église, des pompiers de la compagnie Arès-Lège s'affairent au pied du magasin Shopi. La tempête a mis à mal sa toiture, et les pluies d'hier l'ont achevée. Rideau. La plupart des commerces ont fait de même.

Tout le monde a été touché. Chacun y va de son malheur. On le partage entre Arésiens, les téléphones fixes étant en rade et le réseau mobile défaillant. La mairie est transformée en cahier de doléances et bureau des pleurs. Jusqu'à dimanche 23 heures, toute la ville était privée d'électricité et de chauffage, y compris les deux établissements pour personnes âgées. Hier, faute d'avoir résolu le problème de la moyenne tension, plus de la moitié des 5 300 habitants étaient encore dans la même situation.

« Heureusement que le centre médico-chirurgical fonctionne en autonome. Mais nous avons dû nous résoudre à fermer l'école et le collège ce lundi et aussi mardi. Par chance, nous sommes parvenus à équiper le château d'eau d'un groupe électrogène. Depuis dimanche, l'eau coule avec une faible pression, mais elle coule », dit le maire, Jean-Guy Perrière. Sur une carte, il trace des cercles autour des quartiers qui sont toujours dans le noir. Il y en a quatre. Parmi eux, le lotissement tout neuf des Allées d'Arès.

Trente devis

On compte ici, au pied du château d'eau, dans des allées aux noms d'oiseaux, une cinquantaine de logements de bon standing. Pascal Chardard, de l'entreprise MPP du Porge, s'affaire à la tronçonneuse. Le pin est tombé pile poil dans l'allée de la maison secondaire qu'il a en charge. « J'en suis à mon 26e client sur le Bassin. Rien que dans la journée de dimanche, j'ai établi 30 devis. Mais comme je travaille seul, je passe en priorité les personnes âgées et les familles avec des bébés », explique-t-il. Le gros du travail ? Des arbres tombés, des cheminées effondrées, des bâches de piscine percées.

Le couple Bodo n'a pas eu trop de dégâts mais s'apprête à quitter le navire. « On en a assez. Il fait trop froid. On repart sur Libourne. Samedi après-midi, le seul supermarché ouvert était Leclerc, et c'était la panique. Le pain était rationné à une baguette par famille, et les pompes à essence ont été prises d'assaut jusqu'à épuisement », explique Colette, trésorière du lotissement.

Une chaîne contre l'adversité

Olivier Zanit ne bougera pas. Comme la plupart des habitants de ces villages des temps modernes qu'on appelle lotissements, il vit là à l'année. Ses voisins pourraient avoir besoin de lui. Ici aussi, la solidarité s'est formée en chaîne. L'adversité crée des liens.

Olivier et Emmanuelle Zanit ont décidé d'ouvrir leur logement aux personnes qui toquent à leur porte (la sonnette ne marche évidemment pas). « On a une vieille gazinière dans le garage et une plancha au gaz. Alors, on propose à ceux qui le désirent de venir cuisiner », dit le père de famille. La maison à neuf degrés, ça ne l'inquiète pas trop. Pour l'instant, il trouve romantique de dîner tous les soirs aux chandelles, de sortir la lampe à pétrole, de se passer de télévision et de retrouver les joies des jeux de société. « Lors de la tempête de 99, nous étions restés onze jours sans électricité. J'espère juste que ce sera moins long. »

L'épouse garde en mémoire les éclairs bleus qui ont jailli samedi à 5 heures du matin, quand la ligne électrique est tombée. Elle ne décolère pas contre son mari, parti cette même nuit vers Lège. « Je devais y réceptionner des marchandises. Mais on m'a fait faire demi-tour à Grand-Picquey. Je n'en menais pas large. Les chapeaux des pins remuaient dans tous les sens. Sur le bord de la route, il y avait un renard et des chevreuils complètement déboussolés. Pompiers et employés communaux étaient déjà à pied d'oeuvre. Chapeau. »

Martine Oger est venue prendre un café réchauffé dans le garage. Elle a un petit coup de blues dans sa maison à vole ts roulants électriques désespérément fermés. Le cumulus d'eau chaude se vide, et la douche à l'eau froide n'est pas sa tasse de thé. Dans la morosité, elle se réjouit d'avoir pu sauver le congélo en transposant le contenu chez un ami.

Les allées sont bercées par le ronronnement d'un groupe électrogène. Les rallonges tentaculaires partent de chez Philippe et Paola Brindeau. « On a fait les branchements qui ont permis de relever quelques volets, relancer des chaudières, alimenter les congélateurs de quelques voisins et même recharger les Nintendo des enfants. C'est la moindre des choses », affirme Paola.

D'autres, comme les Zambon, font profiter de leur cheminée. L'endroit idéal pour se réconforter avec de jolies histoires. Un mariage aux chandelles a été célébré samedi à Arès. Un garçon né en 1999 a soufflé dix bougies, le même jour. Un couple séparé s'est retrouvé sous le même toit avec les enfants, car Madame vivait seule dans une zone ravagée. Et puis, ce petit mot posé sur le pas de la porte des Pastourel, le couple le plus âgé du lotissement : « Béatrice est passée voir si tout va bien. On ne peut pas appeler pour l'instant. » Les tempêtes engendrent aussi ça.

Auteur : JACKY SANUDO
sanudo@sudouest.com

Publié dans La sécurité

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