Les deux-roue s ont la cote

Publié le par robert

MÉDOC. Le vélo est devenu un vrai mode de transport autour des lacs en période estivale. Conséquences : les pistes cyclables sont saturées et souvent accidentées
écologique, pratique et économique : le cyclotourisme est plus qu'une balade, il sert désormais à se déplacer pour le moindre prétexte. (PHOTO T. S.)écologique, pratique et économique : le cyclotourisme est plus qu'une balade, il sert désormais à se déplacer pour le moindre prétexte. (PHOTO T. S.)

Pédaler autour des lacs médocains, c'est un peu comme rouler sur le périphérique à Paris. Il y a les bolides qui vous doublent sans scrupules. Les tortues, en famille qu'il faut soigneusement dépasser. Et même les priorités à droite. Mais tout ça, sans les jurons mal placés. En général, le décor de rêve - des hectares de pinède et le chant des cigales - est là pour rappeler aux vacanciers qu'ils sont en vacances et donc de bonne humeur.

Comme Florence et Laurence, qui roulent jusqu'à Carcans-Plage, tout sourire : « Ici, c'est super ! C'est vachement convivial et le cadre est exceptionnel. » Ces deux quadragénaires, en vacances au Pouch, sont originaires d'Angers.

Là-bas, le vélo, c'est plutôt trottoir et bandes cyclables où « les voitures nous frôlent », disent-elles. Mais à Carcans, à part « le rosé du midi », aucune difficulté à signaler. Ca, c'est pour la carte postale. L'envers du décor, c'est plutôt ça : « On s'est arrêté en bas d'une descente, les vélos au milieu de la route et on a failli se faire percuter », se souviennent Mahfouda et Guillaume, un couple parisien en vacances à Hourtin. Des anecdotes comme celle-là, il y en a quasiment autant que de cyclistes.

En cause : la fréquentation des pistes. Dans les trois stations balnéaires que sont Hourtin, Carcans et Lacanau, la demande est en plein boom. Il y a plus de 3 000 vélos à louer. Et plus de 10 000 cyclistes par jour à Carcans. Ce chiffre est augmentation de 2,5 % tous les ans.

« La plupart des gens empruntent les pistes cyclables pour se déplacer sur des courtes distances », décrypte Benjamin Lévèque, le directeur de l'office du tourisme de Carcans. Au pays dumédocain, le vélo serait donc devenu beaucoup plus qu'un loisir. Différent de la pratique sportive, il est, pour les touristes, un mode de transport à part entière.

Tenir sa droite

« Le problème, c'est qu'il y a beaucoup trop de pratiques différentes sur les pistes cyclables », constate Benjamin Lévèque. Sur les pistes, on trouve de tout. évidemment, des cyclistes, parfois chargés d'une planche de surf ou d'une carriole avec un bébé dedans. Mais aussi des rollers, des colonies de piétons, des poussettes, voire même des scooters.

Aux heures de pointe, la circulation devient carrément problématique. Sans parler des retours de soirée, quand les lignes camping-boîte de nuit prennent des airs de méchante route de campagne. « Il suffit d'une seconde d'inattention et on tombe », ajoute Benjamin Lévèque. « Le code de la route est trop souvent négligé, constate Christophe Charrier, co-gérant du loueur Fun Bike, qui vient d'ouvrir une quatrième boutique à Maubuisson. Les touristes prennent les pistes cyclables, s'y sentent en sécurité et font un peu ce qu'ils veulent car il n'y a pas de contrôles. » Au point que même les sportifs préfèrent rebrousser chemin et pratiquer le vélo sur la route, avec les voitures. « C'est moins dangereux », confie un pompier, cycliste à ses heures. Un comble ! Les pompiers interviennent tous les jours sur les pistes.

Parfois pour de simples bobos, d'autres fois pour des accidents plus graves. Le 25 juillet, une personne a été transportée dans un état grave à l'hôpital, suite à une collision entre cyclistes dans une descente.

Et comme sur les méchantes routes de campagne, la plupart de ces chocs arrivent aux mêmes endroits. « Sur Maubuisson, il y a deux ou trois points critiques », confirme Christophe Charrier. En cause enfin : la largeur des pistes, beaucoup trop étroites sur certains tronçons, rendant les conditions de trafic encore plus difficiles.

Victimes du succès

Le réseau de pistes cyclables autour des lacs est dense. 180 kilomètres, d'abord tracé par les résiniers puis repris sous l'occupation allemande. Si certains tronçons ont été rénovés, d'autres révèlent de vraies carences en matière de sécurité. Bref le constat est là : « Il y a bien des infrastructures mais elles ne sont pas forcément en état », résume une employée de l'office du tourisme de Carcans.

Les pouvoirs publics sont-ils en retard ? Christophe Charrier répond : « L'activité est en plein essor. On débute ! Pour l'instant on avait pas trop parler de sécurité, maintenant on va le faire. Je pense qu'il y a un retard. Il s'interroge : Est- ce qu'on n'a pas été victime du succès ? » Un groupe de travail, baptisé Destination vélo et composé des acteurs du cyclotourisme a vu le jour. « L'idée c'est de faire du vélo une destination touristique à part entière, comme le surf à Lacanau », indique Benjamin Lévèque qui souhaite intégrer les pompiers au groupe, pour mieux sécuriser les trajets. « Mais nous avons besoin de financement, explique Christophe Charrier. Il faudrait que les décideurs aillent aussi vite que nous. » « Le Conseil général, le Conseil régional et la Communauté de communes des Lacs médocains se sont engagés à financer des projets de rénovation et de développement des pistes cyclables pour les trois, quatre années à venir », déclare M. Lévèque.

« Depuis que je suis arrivé, en 2003, j'entends parler de ces projets. Mais rien n'est fait », constate Christophe Charrier, sceptique. « Il y a une dynamique qui est engagée, les élus se sont positionnés, rétorque Sophie Lagarde, responsable de la CdC des Lacs médocains, qui évoque également le coût de la réfection des pistes : « Un kilomètre de piste cyclable coûte environ 150 000 euros. »

Pour Jean-Marie Labadie, technicien forestier à l'Office national des forêts (ONF) : « Les politiques ont pris en compte ce problème depuis cette année. Ce n'était pas leur priorité jusqu'alors. » Et quant à la discipline des touristes sur les pistes : « Il faut développer une vraie pédagogie », poursuit le technicien. En attendant, mieux vaut s'armer d'une bonne vieille sonnette.

Auteur : Thomas Segui

Publié dans l'environnement

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